LE COURAGE DE VOIR CE QUI EST BEAU
LIGNE 06 | ÉDITORIAL | ÉTÉ 2022
Texte | Dave Richard
Photo | Bea DM Harris [via Unsplash]
Je paraphrase, mais j’ai lu quelque part que « le soleil passe même par les plus petites fenêtres ». Autrement dit, rien n’arrête la lumière. C’est une pensée d’une grande sagesse qui m’est souvent venue en tête durant la conception de ce nouveau numéro, au gré des articles qui s’alignaient, se répondaient, au fil des discussions, des lectures, des découvertes… C’est une pensée dont j’ai aussi eu besoin par moments, ces derniers mois — parce que ci, parce que ça, parce que la fin de l’hiver, parce que le virus, parce que la guerre, incompréhensible, parce qu’il est minuit moins une sur Terre et qu’on ne sait plus trop quoi faire, ou ne pas faire…
Il est de plus en plus difficile de naviguer dans un monde de plus en plus complexe, où nous avons tous trop conscience des impacts qu’a chacun des gestes que nous posons. Il n’y a plus d’angles morts, à moins de simplement choisir de ne jamais jeter un œil aux rétroviseurs. De plus en plus souvent, on a l’impression de ne pouvoir choisir que l’option la moins dommageable, chacun selon ses connaissances, ses convictions, ses besoins… C’est une bonne chose d’avoir appris de nos erreurs passées, de mieux voir et comprendre, j’en conviens, mais ce n’est pas reposant, il faut bien l’admettre.
Dans l’état actuel des choses, tout le monde est coupable. Tout le monde a les mains sur le volant du même VUS, et il fonce se jeter droit dans l’eau des glaces fondues de l’Arctique. Nous sommes tous responsables. Plus imparfaits que jamais, il vaut mieux ne pas pointer du doigt, ni lancer quelque pierre que ce soit à qui que ce soit ; mieux vaut laisser les pierres là où elles sont, bien tranquilles, par terre, à leur place, et perturber le moins possible les écosystèmes. Oui, oui, c’est assurément bien d’avoir conscience de nos anciens biais, on n’arrête pas le progrès, non, non, mais c’est beaucoup de pression, avouez : voulons-nous être ceux qui auront tout gâché ?
Dans ce numéro, nous dressons un portrait de l’artiste Renee Condo, dont les œuvres faites de perles de bois perpétuent un art autochtone traditionnel. Elle nous y parle de la vision du monde Mi’kmaq et de ses notions fondamentales d’harmonie, d’interconnexion, d’interdépendance. Pour elle, tout est relié, « l’esprit est énergie, et inversement ». Dans un autre article, nous présentons l’envoûtante exposition L’heure mauve de Nicolas Party, qui suggère que le monde est peut-être bien à son crépuscule… Plus loin, le galeriste Pierre-François Ouellette raconte que tout au long de la pandémie, quand sa galerie était fermée, il présentait de nouvelles œuvres dans sa vitrine tous les 10 jours pour interagir avec la communauté locale «par la beauté ». Je crois qu’il faut beaucoup de force et de courage pour décider de voir ce qui est beau, de s’y accrocher, malgré tout ce qui pleure, tout ce qui crie, tout ce qui souffre, tout ce qui crache, tout ce qui hait, tout ce qui meurt, mais je crois aussi que cette force et ce courage s’avèrent la meilleure réponse à la destruction. Rien n’arrête la lumière.
C’est pour ça que nous vous présentons aussi dans ce numéro des maisons de rêve, somptueuses, où il fait bon vivre, où l’on veut mieux vivre, où l’on veut vivre ensemble ou plus en phase avec la nature. Nous vous présentons des projets où les concepteurs avaient comme priorité le respect de l’environnement, la réduction de l’empreinte au sol, l’efficacité énergétique. Nous vous parlons de recyclage, de surcyclage, de verdissement urbain, de déconsommation, de réduction du gaspillage et de consommation éthique. Nous vous faisons découvrir des artistes inspirés, fascinants, qui travaillent à élever les esprits, avec passion, des entreprises qui tentent de bien faire les choses, de les faire mieux et autrement.
Pour la sixième fois, nous espérons que votre lecture vous plaira. Nous espérons qu’elle suscitera en vous ce désir de chercher la beauté alentour. C’est notre façon d’aider le monde à tourner dans le bon sens, de participer positivement, à notre échelle, à sa continuation. Pour l’instant, c’est le mieux que nous avons trouvé.
Merci de nous lire et de faire preuve de curiosité.
Dave Richard | Éditeur
| et toute l’équipe de Ligne
DAVE RICHARD
Dave Richard a fondé les Éditions de la Diagonale qui publient le magazine Ligne depuis 2020. Il est aussi rédacteur, traducteur, adaptateur pour le doublage de télévision et de cinéma et parolier (oui, oui).
Sur Instagram @daverichard.editeur
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