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LES TENDANCES EN ART CONTEMPORAIN | MYLÈNE LACHANCE-PAQUIN

Photo du rédacteur: Magazine LigneMagazine Ligne

MOUVANCES

LIGNE 11 | DANS NOTRE MIRE | HIVER 2024

Texte | Mylène Lachance-Paquin

Photos | Jean-Michael Seminaro [Gracieusement prêtées par la Galerie Robertson Arès] + Dave Richard

 
 

L’art contemporain s’affirme comme un miroir de notre époque. C’est une forme d’expression vibrante qui résonne avec les préoccupations et les défis de nos réalités collectives. Les artistes d’aujourd’hui utilisent leur créativité pour susciter une réflexion et transmettre des messages. Il est important de rappeler que, face à ces œuvres, chaque réaction, qu’elle soit critique ou émotive, est valable. Mais quelles sont les mouvances actuellement observables dans l’art contemporain ?


L’une des tendances majeures est sans conteste l’intégration des techniques et des matériaux ayant été associés à l’art domestique ou aux métiers d’art. Le travail du textile — qu’il s’agisse de tricot, de tissage ou de broderie — occupe en particulier une place de choix dans les pratiques artistiques actuelles. La céramique, qui connaît également un renouveau, retrouve ainsi les lettres de noblesse qu’elle avait jadis. Bien que l’on constate une présence continue de l’art numérique, surtout dans les œuvres de réalité virtuelle et augmentée, on assiste maintenant à une revalorisation des savoirs transmis de génération en génération, des choses faites à la main, lentement, et consciemment. Alors que ces créations ont souvent été reléguées au domaine de l’art décoratif — et parfois même dénigrées par le milieu de l’art contemporain, soyons honnêtes ! —, on observe une ouverture croissante à l’égard de ces procédés.



Une deuxième grande tendance est celle de la prise de position en faveur du bien-être collectif, qui s’exprime notamment par des pratiques revendicatrices. Sans surprise, le thème de l’écologie est très fréquemment abordé par des artistes qui placent le rapport à la nature au cœur de leur démarche. Les sujets comme la surconsommation, l’exploitation (du vivant et du non-vivant), la revalorisation de la nature ainsi que l’importance des écosystèmes durables et harmonieux sont donc mis en avant.


La décolonisation est aussi un thème récurrent dans les œuvres activistes. Que ce soit en revisitant les récits transmis, la mémoire familiale ou les identités au sens large, les pratiques contemporaines des artistes issus de la diversité sont enfin accueillies et reconnues. Elles invitent à valoriser des narrations longtemps marginalisées. Ainsi, l’art contemporain devient un espace de résistance et de réappropriation, où les voix sous-représentées peuvent s’exprimer et enrichir la compréhension des histoires qui façonnent le monde.


Impossible d’ignorer les pratiques féministes qui émergent avec force, surtout dans un contexte où le militantisme doit affronter des figures masculinistes et misogynes toujours en position d’autorité ici et ailleurs. Ces initiatives contemporaines s’efforcent de revaloriser la pluralité des corps et dénoncent également les violences sexuelles, souvent maquillées sous un silence assourdissant et un vernis de respectabilité. Les artistes féministes soulignent non seulement les injustices systémiques, mais aussi la nécessité d’un dialogue ouvert et inclusif.



Depuis peu, on remarque en outre chez les artistes un désir grandissant de travailler en coopération. Ainsi, lors de la Biennale de Venise 2024, dont le titre était The Garden of Time, quatre des pavillons nationaux (belge, brésilien, néerlandais et nigérien) proposaient des œuvres collectives. Au cœur de cet événement présentant le meilleur de l’art actuel, on a constaté que les artistes s’opposent de plus en plus au principe de l’exposition solo, pour plutôt favoriser une horizontalité hiérarchique et une pluralité des voix. Ce faisant, ils nous invitent tous à remettre en question notre quête de lumière individuelle perpétuelle.


Par ailleurs, des biennales activistes fondées à Montréal se positionnent à présent comme des incontournables du milieu. En effet, les acteurs et actrices de la culture affichent maintenant leurs convictions au sein d’événements importants comme la biennale transnationale noire Af-flux, la Biennale d’art contemporain autochtone (BACA) et POST-INVISIBLES — Regard sur la place des femmes* dans le champ des arts visuels. Ces trois initiatives revendiquent une meilleure diffusion des pratiques des minorités et permettent d’aborder dans l’espace public des questions fondamentales.



Enfin, il convient de souligner une tendance majeure, et ô combien essentielle, qui a émergé dans le monde de l’art contemporain : la multiplication des foires d’art. Ce phénomène, qui s’accélère depuis les années 2000, a transformé considérablement le paysage artistique mondial. Des foires de renom, telles qu’Art Basel et la Frieze Art Fair, se tiennent désormais chaque année dans plusieurs grandes villes, et deviennent des rendez-vous incontournables pour les artistes et les adeptes d’art.


Depuis 2010, on assiste à une prolifération simultanée de foires collatérales qui, tout en étant moins connues, jouent un rôle crucial dans la démocratisation de l’art contemporain. Ces événements parallèles fournissent une plateforme aux galeries émergentes, qui peuvent ainsi bénéficier de la visibilité générée par les foires majeures et présenter le travail de leurs artistes à des collectionneuses et collectionneurs venus des quatre coins du monde.


Il n’est pas rare de voir une foire principale entourée de plusieurs foires collatérales, dont la qualité est tout aussi impressionnante. Prenons le cas d’Art Basel Miami, qui est accompagnée d’événements tels que UNTITLED et NADA Miami 2024 (New Art Dealers Alliance). Ces foires annexes offrent généralement un cadre novateur et accessible, favorisant la reconnaissance de nouveaux talents et d’initiatives artistiques audacieuses.



La multiplication des foires d’art contemporain est une occasion précieuse, car celles-ci constituent des espaces privilégiés pour découvrir et explorer les tendances actuelles. De plus, elles proposent souvent des programmes enrichissants, incluant des conférences, des discussions et des visites guidées adaptées à tous les publics, sans oublier des activités pour les familles. À Montréal, par exemple, la foire Plural s’inscrit dans cette dynamique.


En définitive, l’art contemporain évolue au rythme des courants plus larges dans la société. Connaître et comprendre ces courants permet de mieux décoder et apprécier l’art actuel, qui se manifeste dans une multitude de contextes et d’occasions — inutile d’avoir une formation en arts visuels ou en histoire de l’art pour s’y intéresser. Les tendances explorées ci-dessus — quelques-unes parmi tant d’autres — sont, par définition, amenées à évoluer dans le temps, tout comme l’art contemporain, qui se réinvente en continu, et qui n’est pas près de cesser de nous captiver et de nous surprendre !



 

MYLÈNE LACHANCE-PAQUIN


Mylène Lachance-Paquin est rédactrice, commissaire indépendante et fondatrice de POST-INVISIBLES. Titulaire d’une maîtrise en muséologie, elle s’implique dans la démocratisation de l’art contemporain, notamment en tant que directrice générale de l’OSBL OGIVE art et éducation. Elle réalise diverses expositions, dont une qui sera présentée lors du prochain Sommet Climat Montréal.



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