PATRIMOINE MODERNE
LIGNE 03 | ARCHITECTURE | NOVEMBRE 2020
Photos | AlexBlouin + Jodi Heartz
Texte | Blouin Orzes architectes + Dave Richard
Localisation | Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans, Qc
Type de projet | Construction neuve
Réalisation | 2019
Conception | 12 mois
Travaux | 12 mois
Superficie | 2250 pi2 / 210 m2 + Garage + Sous-sol
Budget approximatif | $$
C’est sur l’île d’Orléans que se dresse la fascinante maison blanche construite par les architectes de Blouin Orzes architectes en 2019. À la fois simple et majestueuse, à la fois bien d’aujourd’hui et respectueuse de son cadre patrimonial, ses traits caractéristiques réfèrent à l’architecture typique de la première génération de maisons établies à l’île, tout en offrant un confort minimaliste ultramoderne à ses occupants.
Malgré son insularité – qui lui procure une certaine protection – et son statut de site historique déclaré, l’île d’Orléans peine à résister au développement urbain croissant et aux pressions immobilières depuis la seconde moitié du XXe siècle. En 2018, le ministère de la Culture et des Communications du Québec a donc adopté le Plan de conservation du site patrimonial de l’Île-d’Orléans, qui a pour objectif d’encadrer l’ensemble des nouvelles constructions sur ce territoire pour qu’elles s’intègrent le plus harmonieusement possible au paysage patrimonial existant.
« En architecture, l’intégration est une notion subjective. C’est donc dans un contexte règlementaire exigeant que nous avons abordé ce projet dont le vocabulaire formel, même s’il se réfère directement à l’architecture traditionnelle du lieu, se veut en même temps une occasion d’amorcer un dialogue constructif sur l’architecture contemporaine en milieu patrimonial. Entre une approche moderniste radicale et le mimétisme historique, nous sentions qu’il y avait un territoire créatif peu fréquenté que nous souhaitions explorer. »
La maison est située au pied d’une falaise délimitant le plateau supérieur sur lequel s’alignent les tracés parcellaires des terres agricoles hérités du régime seigneurial français et qui a marqué l’organisation du territoire dans la vallée du Saint-Laurent. Le « chemin de ferme » que l’on emprunte pour accéder à la maison s’éloigne du chemin Royal reliant les six villages du fameux tour de l’île pour redescendre au niveau du fleuve, donnant lieu à un saisissant passage du paysage agricole au paysage maritime.
« L’île d’Orléans a souvent été qualifiéede lieu fondateur de l’Amérique française. Sa localisation stratégique en aval de Québec en a fait un lieu mythique dans l’imaginaire collectif et une référence pour la qualité historique de son cadre bâti. »
La volumétrie de la Maison de l’Île prend notam- ment modèle sur la maison Félix-Goulet, située à Sa int-Pierre-de-l’Île-d’Orléans. Érigée en 1720, cette dernière incarne encore aujourd’hui une référence des bâtiments d’inspiration normande construits en Nouvelle-France. S’inscrivant dans un volume unique, l’organisation en plan et la composition des façades en font une figure iconique de l’architecture traditionnelle de l’île. Les architectes de Blouin Orzes ont été inspirés, entre autres, par sa toiture en forte pente, sa relation directe au sol, sa simplicité formelle et ses lignes épurées. La poésie émanant du balancement entre frugalité constructive et radicalité d’implantation des premiers établissements sur le territoire a aussi grandement alimenté leur démarche conceptuelle.
Si elle devait répondre aux besoins contemporains de ses propriétaires, la stratégie de conception de la Maison de l’Île consistait également à préserver l’esprit traditionnel régional. Par exemple, les architectes souhaitaient inscrire à l’intérieur d’un volume unique l’ensemble des éléments intérieurs et extérieurs du programme. La cohabitation historique sous un même toit de l’espace domestique et d’une dépendance leur a donc servi de référence durant le développement du projet. La juxtaposition, la séparation et le désaxement des volumes de la maison et du garage-atelier sous le grand volume des combles articulent cette cohabitation et préservent la lisibilité du profil typique du bâtiment, une stratégie qui permet également de générer de vastes espaces extérieurs protégés devant l’entrée principale et en façade vers le fleuve. Le passage couvert qui en résulte relie l’avant et l’arrière de la maison, servant à la fois de lien et de séparation entre les espaces domestiques et la dépendance, puis d’accès aux espaces techniques du sous-sol, rappelant les caveaux de conservation d’autrefois. L’ouverture créée par le passage, quant à elle, s’inscrit clairement dans la composition de la façade avant, marquant l’entrée principale de la maison, alors que la porte d’entrée se situe dans les faits en façade latérale, au bout d’une terrasse protégée donnant accès à la maison depuis le stationnement automobile.
Ce jeu asymétrique de translation et de composition de volumes sous les combles habitables crée, à l’intérieur, des espaces aussi spectaculaires qu’inusités, comme la coursive en porte-à-faux au-dessus de la terrasse côté fleuve. On perçoit également de l’intérieur la structure, dont les poutres d’acier surplombent les bandeaux vitrés traversant le volume central. La double hauteur entre l’aire ouverte du rez-de-chaussée et les espaces de vie à l’étage définissent une spatialité propre à la rencontre du traditionnel et du contemporain.
Finalement, posé verticalement au cœur de la résidence, l’espace feu, derrière lequel se profile l’escalier menant à l’étage, ancre celle-ci dans le paysage et l’héritage de l’île d’Orléans.
Ingénierie | Latéral Conseils[Thibault Lefort]
Entrepreneur | Habitations ES Inc. Excavation | Les excavations Richard Gosselin
Fondations | Fondations Bafaro Inc. Structures [Acier] | Clyvanor Électricité | Patrick Lepage Plomberie | Plomberie Simon Hébert Inc. Ventilation | Isolation Beauport Peinture | Québec Peinture + Betonel Chauffage [Plancher radiant électrique + Plinthes électriques] | Ouellet Chauffage
Ébénisterie [Cuisine + Vanités + Comptoirs] | Cuisines Stef et Max Quincaillerie | Boiseries Bégin Bois de charpente | BMR Terrasse [Bois traité] | BMR Toiture [Acier plié sur place] | S & M RenovExpert
Portes + Fenêtres | Fabelta Puits de lumière | Velux Revêtement extérieur [Épinette + Cêdre rouge préteint] | DeBois Blouin
Plancher à l’étage [Pin] | DeBois Blouin Garde-corps [Métaux ouvrés] | SH Custom Plancher de béton [Rez-de-chaussée] | Ciment Expert Foyer | Stûv America Robinetterie | Ciot Céramique | Ciot Parois de verre [Douche] | C2M SurMesur
+ Escalier avec marches en pin massif
La Maison de l’Île a valu à Blouin Orzes architectes le Prix d’excellence l’Ordre des Architectes du Québec 2020, catégorie Bâtiments résidentiels de type unifamilial en milieu naturel.
AU GRÉ DES MARÉES ET DES SAISONS
Les propriétaires de la Maison de l’Île, France et Hugo, ont généreusement accepté de nous parler de leur quotidien au sein de cette maison exceptionnelle, située au cœur d’un site et d’un lieu enchanteurs.
Ligne | Pourquoi l’Île d’Orléans ?
France + Hugo | Nous recherchions un site au bord du fleuve à moins d’une heure de notre résidence principale. Après plusieurs visites à l’Île, nous avons eu un coup de foudre pour ce terrain. Ça a été le début de la concrétisation de notre rêve. Aussi, nous avons tous les deux des ancêtres qui ont vécu sur cette de l’île, et enfants, nous y avons passé des journées dont nous gardons des souvenirs mémorables.
L. | Pourquoi avez-vous choisi de faire appel à l’équipe de Blouin Orzes architectes pour concevoir la maison ?
F. + H. | Après une visite à la MRC pour bien comprendre les règles à respecter dans un projet de construction à l’Île, nous avons pris la décision de nous entourer d’architectes. Nous avons alors contacté la formidable et talentueuse équipe de Blouin Orzes, et dès la première rencontre avec Marc Blouin, nous avons su que notre association serait gagnante.
L. | Y a-t-il un lieu dans la maison que vous affectionnez particulièrement ?
F. + H. | Toutes les pièces sont source de bien-être, pour nous ; impossible d’en avantager une. Que ce soit la pièce principale, avec son foyer, ses poutres de métal, son plafond cathédrale à 30 pieds au dessus de nos têtes et ses bordures de grandes fenêtres qui offrent des vues magnifiques sur chacun des côtés, la chambre des maîtres, camouflée dans les combles, avec ses puits de lumières et son alcôve, ou encore la salle familiale qui crée un lien direct avec les deux magnifiques chambres des enfants, on les aime toutes !
L. | Avez-vous l’impression que l’architecture de la maison influence votre quotidien ? Cette année, par exemple, avez-vous eu l’impression qu’elle vous aidait à vivre notre « nouvelle normalité » ?
F. + H. | En raison du confinement, et pour faciliter le télétravail à temps plein, la maison, qui est notre résidence secondaire, est devenue notre résidence principale depuis mars dernier. Vivre à l’Île est un grand privilège et vivre en phase avec le fleuve au gré des marées et des saisons est tout simplement magique. La sérénité et le calme de cette maison nous apaisent et nous procurent beaucoup de bien-être. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir travailler et vivre dans un tel cadre bâti. Chaque journée est un pur délice. Le décor épuré rend hommage à la nature environnante, la place au premier plan. Nous avons un poulailler logeant trois poules, de nombreux arbres fruitiers et un potager ; en prendre soin nous aide à renouer avec la simplicité et la douceur du temps qui passe. Il est aussi important pour nous de nous approvisionner localement, le plus possible, et de profiter de la proximité des producteurs.
L. | Avez-vous participé à l’élaboration de la maison ?
F. + H. | Nous avions imaginé nous-mêmes un premier plan reflétant nos besoins avant notre première rencontre avec Marc. Nous avions également récolté plusieurs photos d’intérieurs illustrant l’ambiance que nous recherchions. Le plan initial proposé, appuyé d’une maquette, nous a séduit : il surpassait de loin celui que nous avions imaginé ! Nous nous sommes ensuite impliqués dans la conception de chacune des versions suivantes ; nous avons pris le temps d’imaginer notre quotidien se dérouler dans chacune d’elles afin d’apporter les modifications nécessaires pour que le produit final corresponde le plus justement possible à notre style de vie. Le résultat nous représente tellement ! Nous voulions mettre en valeur le site exceptionnel, mais dans le respect du cadre réglementaire de l’Île d’Orléans. Nous voulions aussi retrouver des aspects des maisons anciennes placés dans un cadre contemporain. Nous tenions finalement à encourager les entreprises présentes sur l’île ; dont nos entrepreneurs généraux, Éric et Simon, des Habitations E. S., qui se sont avérés de véritables coups de cœur ! Insulaires d’exception, ils ont su bâtir de mains de maîtres notre demeure, en parfaite complicité avec nos architectes. C’est la Scierie Blouin qui a fourni nos revêtements extérieurs et intérieurs, ainsi que nos planchers de bois, et l’ébénisterie Stef et Max, de Beauport, a réalisé les rangements de la cuisine, des salles de bain et des chambres.
L. | Nous présentons la maison dans ses habits d’hiver ; comment se passent les autres saisons à la Maison de l’Île ?
F. + H. | Nous venons d’y compléter une première année et chaque saison dégage un charme qui lui est propre, difficile d’en privilégier une, mais l’hiver est une saison qui nous ressemble beaucoup ; les temps froids soulignent à quel point la maison est chaleureuse et confortable.
BLOUIN ORZES ARCHITECTES
5520, rue Chabot, bureau 310
Montréal (Qc)
H2H 2S7
T. 514 750-6605
Sur Instagram @blouinorzes
Sur Facebook @blouinorzes
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