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Photo du rédacteurMagazine Ligne

MAISON LAC JASPER | ARCHITECTURAMA

Dernière mise à jour : 11 févr.

LA VIE PANORAMIQUE

LIGNE 07 | ARCHITECTURE | HIVER 2022

Photos | James Brittain

Texte | Dave Richard

 
 

Localisation | Chertsey, Qc

Type de projet | Construction neuve

Budget approximatif | $

Réalisation | 2014

Conception | 2010-2011

Travaux | 2011-2015

Superficie | 1 884 pi2 / 175 m2


Sur un terrain en pente au cœur de la forêt lanaudoise, avec en contrebas un petit lac de barrage et un marais, s’élève la Maison Lac Jasper – un volume simple, cubique, se mariant à la nature environnante grâce entre autres à son revêtement de cèdre grisonnant et à son emplacement symbiotique au site, mais y opposant du même coup un langage moderne, des lignes pures et une touche de couleur. C’est cependant la structure intérieure de la maison qui bouscule toutes les conventions : deux imposants gradins de bois modulables s’y croisent à angle droit – servant à la fois de mobilier surdimensionné, de dispositifs de circulation, d’agora, de filtres, de parois, d’étagères, de bibliothèques, de supports –, permettant des reconfigurations fréquentes et une redéfinition infinie des espaces de vie.


Les propriétaires de cette étonnante résidence en forêt souhaitaient vivre seuls, nombreux ou en famille, dans un lieu décontracté et convivial, « comme au chalet », mettant en relation les espaces et les gens avec raffinement, au sein d’une architecture présente, vivante et enthousiaste qui ferait appel aux sens. Ils souhaitaient également que la maison ait une empreinte environnementale réduite ; le processus de conception impliquait donc une réflexion quant aux fonctionnalités des espaces et à leur optimisation.


« Le site a été choisi avec soin, principalement pour sa morphologie et son orientation propices à la réalisation d’un projet combinant un potentiel de vues impressionnantes à l’exploitation du chauffage solaire passif. La position élevée du bâtiment et son orientation permettent une ventilation naturelle efficace. Vue de loin, l’étonnante résidence semble perchée », expliquent Sylvain Bilodeau et Nicolas Mathieu-Tremblay d’Architecturama.

La forme cubique de la maison, avec un ratio enveloppe-volume habitable avantageux, contribue à son efficacité énergétique et permet une empreinte au sol plus petite. La limite entre le bâti et le site naturel est claire : en dehors du cube, les formes, les matériaux et les végétaux qui servent aux aménagements sont indigènes et recréent le contexte préexistant. Laissées naturelles, les planches de deux épaisseurs recouvrant l’extérieur forment un motif captant la lumière et que le vieillissement mettra en évidence.


L’enveloppe présente des niveaux d’isolation supérieurs. Un large débord de la toiture, dont le dimensionnement a été planifié en fonction de la course du soleil, empêche la surchauffe estivale tout en laissant pénétrer profondément le soleil hivernal. Des fenêtres ouvrantes, en partie basse à l’avant et en partie haute à l’arrière, permettent de tirer profit à la fois de l’effet de cheminée et des pressions différentielles. À l’exception de celles de la face sud, les fenêtres sont toutes de petites dimensions et faites de verres performants.

Toute la partie avant prolonge la maison à l’extérieur : sous l’avancée du toit et derrière une colonnade, un espace couvert orienté vers le sud donne accès au sol sur toute la longueur de la façade et offre en tout temps des zones ombragées, ensoleillées, plus ou moins exposées au vent ou à l’abri de la pluie.

« La lumière naturelle entre à profusion par le mur-rideau ; des fenêtres secondaires permettent d’éviter l’effet de contrejour d’une source unique et ajoutent complexité et qualité à la lumière. Ces ouvertures nombreuses permettent aussi de sentir le passage du temps ; tôt, le matin, le soleil entre directement à l’endroit où l’on déjeune. »


À l’intérieur du bâtiment aux dimensions restreintes, sous un plafond atteignant 22 pieds de hauteur, des espaces « minimaux » renfermant les usages nécessitant des aménagements fixes et inflexibles – comme la cuisine, les salles de toilette et la salle mécanique – ou une plus grande intimité – les couchettes – sont empilés du côté nord. Un espace « maximal » contenant toutes les autres fonctions occupe quant à lui le côté sud et permet une appropriation libre, ouverte à l’interprétation et à la transformation.

Justement, c’est au cœur de cet espace principal que se déploient les deux impressionnants gradins de bois, geste architectural audacieux et fondamental du projet. Assemblées à partir de pièces de bois standards, teintes, aux arêtes arrondies, leurs structures sont légères, poreuses et peuvent être modifiées grâce à des blocs libres déplaçables à volonté pour servir de table d’appoint, de dossier, de marche, ainsi qu’à des paliers intermédiaires boulonnés à la structure déposée sur la dalle de béton. L’un des gradins, teint bleu, est plus ouvert, grâce à ses surfaces horizontales ajourées ; cette ouverture augmente l’impression de suspension dans l’air.


L’intersection des plans des gradins forme deux petits sous-espaces : l’un sert de vestibule et d’axe principal de circulation entre le haut et le bas, et l’autre constitue une sorte d’antichambre par où l’on accède à la chambre principale. Ce deuxième sous-espace offre un accès vers l’extérieur grâce à une porte-fenêtre. On peut accéder directement à la cuisine en montant le gradin qui longe le mur est. Les déplacements hors norme au sein de la structure rendent l’expé- rience plus physique ; on s’y sent plus sensible aux perceptions et aux mouvements du corps que dans un espace typique.

« Sol en caoutchouc souple dans la cuisine, moquette dans la couchette principale, carreaux de céramique dans la douche... À la Maison Lac Jasper, les surfaces des espaces sont à découvrir pieds nus, car elles varient beaucoup. Les plateaux en bois des gradins ont une présence chaleureuse et une surface légèrement texturée, tandis que dans le bureau, le système radiant hydronique installé dans la dalle de béton apporte un confort thermique pendant les saisons froides et une fraîcheur très appréciée pendant les jours d’été chauds et humides. »

Sur les faces sud et ouest, les gradins rejoignent le niveau du sol extérieur ; leur inclinaison prolonge à l’intérieur de la maison la forme du site, tout en l’accentuant. En partie haute, ils atteignent plutôt les hauteurs de la canopée environnante, permettant de profiter de la vue. La rencontre des deux constructions forme au-dessus une sorte d’agora propice aux interactions. Solennel et spirituel, cet espace s’anime et devient tout autre lorsque plusieurs personnes l’occupent. Un foyer, un projecteur pour le cinéma ainsi que des coussins de plume permettent d’en profiter au maximum. Dans la zone où se trouve la cuisine, le gradin devient un espace de travail attenant ou une table où peuvent s’assoir huit personnes.


Sous les gradins, l’espace est bas, dense et replié sur lui-même. La lumière filtrée y est complexe et changeante. La foison de fines colonnes prend l’aspect de troncs d’arbres dans une forêt ; vers l’est, une grande fenêtre carrée offre la vue d’un sous-bois et la perspective d’un chantier forestier. Des ouvertures sont laissées libres à des endroits stratégiques, créant des raccourcis ou fermant chaque accès potentiel où la dénivellation est plus grande. Un système de surfaces amovibles pouvant être élevées et abaissées permet d’y aménager un atelier, du rangement ou un dortoir. D’ailleurs, tous les espaces de la maison peuvent se transformer en dortoir. L’antichambre peut recevoir quatre lits individuels, installés sur des paliers à des niveaux différents et que l’on sépare par des rideaux temporaires accrochés aux structures.


C’est par des ouvertures percées dans le mur intérieur du volume arrière qu’on accède aux espaces « minimaux ». Par exemple, de la chambre principale, on accède par le gradin est-ouest à la salle de toilette qui se trouve directement en dessous. La deuxième couchette, réservée aux invités, se trouve quant à elle dans le coin supérieur nord-ouest de la maison, et l’accès à sa salle de bain se fait par la partie haute du gradin. Le soir venu, les parcours des invités et des propriétaires ne se croisent donc pas.

« Les espaces minimaux sont enveloppants avec leurs finis moelleux, sombres et riches. Tapis à poils longs, plancher de caoutchouc recyclé, granit noir, rideaux épais... On s’y sent à l’abri, à l’aise. Comme dans une – très jolie – caverne. »

Le principal défi du projet consistait à concevoir et à construire les gradins de manière simple et économique, mais suffisamment solides pour permettre des solutions et des adaptations au fil du temps ; l’ouverture de la totalité de la façade sud sans recourir à l’utilisation de supports structurels et la fermeture de cette ouverture grâce à la technologie du mur-rideau dans un contexte d’architecture résidentielle comportaient également des enjeux importants, mais Architecturama a su remporter son pari.


« La maison est comme suspendue entre les cimes des arbres. Dans cet observatoire, on a l’impression d’être à la fois protégé par le bâtiment et projeté dans le paysage, vers l’horizon. La nature, les saisons et la lumière s’animent, se déploient, changent, offrant un spectacle organique fascinant. »



Ingénierie | WSP [anciennement Genivar]

Entrepreneur | Les Entreprises Sylvain Lachance

Revêtement extérieur | Éco-Cèdre Foyer | Don-Bar

+ Revêtement extérieur en planches de cèdre de l’est embouvetées, coupées sur mesure par une scierie locale et laissées naturelles + Revêtement intérieur en cèdre de l’est peint blanc + Plancher de béton + Plancher de cuisine en caoutchouc + Planchers de salles de bain en céramique + Fenêtres ouvrantes à battant ou auvent + Mur-rideau en aluminium avec portes-fenêtres et fenêtres oscillo-battantes intégrées + Comptoirs de mélamine et de granit + Gradin de bois recouvert d’une teinture semi-opaque pour gradins + Lampes à pince intégrées au gradin



La Maison Lac Jasper a été finaliste aux Prix d’excellence en architecture remis par l’Ordre des architectes du Québec en 2015 et a remporté le Award of Merit dans la catégorie Intérieur résidentiel aux Azure Awards 2016, une mention aux American Architecture Prize et le Prix du mobilier intégré aux Grands Prix du design en 2016.



 

ARCHITECTURAMA

5867, avenue Papineau

Montréal, Qc

H2G 2W3

T. 514 509-1082


+


95, rue Jasper Nord

Chertsey, Qc

H2G 2G4

T. 514 509-1082


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Consultez la fiche complète de ARCHITECTURAMA

dans notre répertoire.



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