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RENÉE CONDO

LE POTENTIEL DE LA PERLE

LIGNE 06 | ART | ÉTÉ 2022

Texte | Dave Richard

Photos | Jean-Michael Seminaro + Mike Patten

 
 

Des gouttes de soleil. Des pluies de fleurs. Il y a beaucoup de générosité et d’espoir dans les fresques colorées de Renée Condo, éclatantes, vives. Dans son studio spacieux et lumineux de l’Île-des-Sœurs, à quelques minutes de vélo de chez elle, l’artiste aligne les perles de bois tourné pour former des représentations symboliques vibrantes, puis les sertit dans la résine. Ce studio, elle l’a obtenu grâce à une heureuse synchronicité, comme si le destin lui souriait, comme si ce lieu existait pour elle.


C’est justement cette vision large qui transparaît dans les œuvres de l’artiste qui est si touchante, sa vision unifiée des choses. Ses perles, à la queue leu leu, les unes contre les autres, ensemble, solidaires, uniques et semblables à la fois, rayonnent, irradient et nous parlent, en l’incarnant, de la force du nombre. De l’abondance naît une sorte de joie que les couleurs vives amplifient. On pense aux fleurs hilares de l’artiste japonais Takashi Murakami ; on recule d’un pas et on pourrait croire que les perles palpitent.


« Il n’y avait pas de cours ni de programme d’art à mon école secondaire. Durant la première partie de ma vie, j’ai simplement cheminé vers une carrière dans la fonction publique. Ce n’est qu’après la naissance de mon premier enfant que des désirs artistiques sont montés en moi. Je me suis vite rendu compte que le processus de création m’était naturel ; je pouvais facilement sculpter ou dessiner ce que j’observais avec précision. Rapidement, j’ai trouvé ma zone de confort, mon flow. Je me suis mis à fabriquer des œuvres réalistes en bronze et on m’a chargée de produire la sculpture à grande échelle d’une famille de huit personnes. C’est là que j’ai décidé d’entamer un baccalauréat en beaux-arts, suivi d’une maîtrise en sculpture et céramique à l’Université Concordia. »

Le travail de Renée Condo a ensuite beaucoup évolué au cours de ses études. Comment sommes-nous tous interconnectés ? Pourquoi n’en avons-nous pas une idée claire ? Pourquoi ne le ressentons-nous pas intimement ? Si ces données changeaient, si nous avions une meilleure conscience de ces concepts, aurions-nous des rapports plus sains les uns avec les autres ? Ces questionnements l’ont d’abord conduite vers la physique quantique et le concept selon lequel toute matière, à son niveau fondamental, n’est qu’une fluctuation d’un champ quantique interconnecté; qu’avant que la matière ne fasse son apparition mesurable, elle existait en tant que probabilité avec un potentiel infini...


« J’étais fascinée par les concepts de la dualité onde/ particule, de l’intrication et d’autres phénomènes extraordinaires. J’en suis venue à comprendre ce qui m’attirait dans ces idées : c’était le fait qu’elles ressemblaient à la vérité. »

Harmonie, flux, dualité, interconnexion, interdépendance, omniprésence de toute énergie... Ces notions sont fondamentales dans la vision du monde Mi’kmaq, telle que Renée Condo la comprend. L’esprit est énergie, et inversement. L’artiste manipule donc les perles uniquement lorsqu’elle se sent énergétiquement bien.


« Chaque perle passe en moyenne cinq fois entre mes mains. Mon intention est que chacune incarne une énergie édifiante qui peut être ressentie. Mon travail trouve une richesse dans l’histoire même de la perle, utilisée depuis des millénaires pour communiquer des croyances, des histoires et d’autres éléments de la culture autochtone. Je perpétue cette tradition, à ma manière, avec beaucoup de respect et de grati- tude. Je me sers de son pouvoir d’évocation et de son potentiel à intégrer l’esprit dans la forme pour tenter de faire avancer la connaissance. Pour moi, la perle est une entité fondamentale au potentiel infini qui peut paraître à la fois divisée — unité, partie —, à la fois entière et totale, détentrice des secrets du monde, de la nature et de la réalité. »

En août 2021, sa soutenance de thèse avait lieu à la Galerie Laroche/Joncas, à Montréal, constituant également sa première exposition solo — une exposition bien accueillie et suivie de deux foires d’art contemporain réussies, les foires Papier et Art Toronto, qui ont permis à ses œuvres d’intégrer des collections remarquables, comme la collection RBC, par exemple.


« J’ai toujours été attirée par les couleurs vives et édifiantes. Quand je travaillais ma thèse, je suis tombée sur un enseignement du respecté chef héréditaire du Grand Conseil Mi’kmaq Stephen Augustine concernant la septième étape de la création, celle de la Mère : “La Mère dit : J’apporte les couleurs du monde : le bleu du ciel, le jaune du soleil, le vert de l’herbe, des arbres et des feuilles, et le rouge de la terre, le noir de la nuit et le blanc de la neige. J’apporte de la force à mes enfants... Et j’apporte de la compréhension et de l’amour, afin que mes enfants apprennent à prendre soin les uns des autres, à compter les uns sur les autres et à s’aimer les uns les autres.” Ça m’a beaucoup plu. »



 

Sur Instagram @condorenee

 





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